• POSTÉ LE :
  • 1 RÉACTIONS

Le projet de la mosquée de Bordeaux verra-t-il le jour ?

projet-impossible-mea

Changement d’adresse pour le monumental projet de mosquée à Bordeaux, plus discret, plus reculé, moins visible. Vivons caché vivons heureux. A l’origine, le terrain qui devait accueillir le centre se située dans le quartier de la Bastide, plus près des habitants, plus accessible en transport en commun. La raison de ce changement est probablement due à la pression des opposants à ce projet de mosquée. (cf. Bordeaux : le projet de la mosquée menacée). Bref, ce changement d’emplacement c’est pour avoir moins de problèmes.

Chaque projet de mosquée traine son lot de difficulté, il faut trouver un accord avec les services publics, ensuite trouver un terrain, essuyer les attaques islamophobes, convaincre les différentes parties, élaborer le projet et enfin trouver les fond.

Dans le cas de la mosquée de Bordeaux, les porteurs du projet ne se sont pas facilité la tâche puisque le projet est estimé à 24 millions d’euros. Certes il y a aura une mosquée, une bibliothèque, un restaurant, un amphithéâtre et 25 salles de cours. De quoi répondre aux besoins des musulmans en terme de culte, d’éducation et d’activité culturelle. Mais est-ce que Tarek Oubrou et son équipe n’ont pas vu trop gros ?

Projet à plusieurs millions d’euros

24 millions, il semblerait que ce soit une première en France. Le seul projet récent qui se rapproche de celui de Bordeaux que ce soit en fonctionnalité et en budget c’est la future mosquée de Mulhouse. Ce dernier qui était estimé au départ à 11 millions d’euros a été réévalué pour un budget de 18 millions d’euros. Des constructions de cette ampleur connaissent systématique des retards donc une réévaluation du budget.

Autre projet qui de cette ampleur a du mal à avancer, c’est la fameuse mosquée de Marseille, estimé à 22 millions d’euros. Le projet est toujours dans les starting-blocks

La question qui se pose face à ce projet est : comment vont-ils collecter 24 millions ? Plusieurs solutions s’offrent à eux.

  1. La collecte de fonds de masse, c’est à dire solliciter un maximum de personnes à participer à la construction. Cela nécessitera des moyens et du temps, et surtout beaucoup de professionnalisme. Une mosquée bien organisée peut collecter 1 million d’euros par an.
  2. Il y a aussi la collecte de fonds auprès des grands donateurs. Qu’il soit étranger ou français, un grand donateur peut considérablement aider à la construction de la mosquée. Sauf qu’une stratégie grands donateurs prend des années à se mettre en place. De plus, on se rappelle que pour le cas de la mosquée de Marseille, à l’époque le ministre Manuel Valls avait limité à 20 % la somme d’un même donateur.
  3. On peut imaginer qu’un pays du Maghreb pourrait porter financièrement le projet de la mosquée. À l’instar du Royaume du Maroc qui s’est donné les moyens de payer entre autres la mosquée de Saint Étienne et la mosquée de Blois.  Bien que Tareq Oubrou soit proche de l’UOIF, cette piste est envisageable.

Quoi qu’il en soit, la collecte de fonds risque d’être longue et difficile.

Le business plan n’est pas bon

Ce n’est pas la première fois que nous le disons. Nos organisations locales ne sont pas encore structurées pour supporter ce genre de projet colossal. Une raison parmi d’autres est l’aspect financier. Les sources de revenus d’une mosquée sont encore trop irrégulières. Là où les chrétiens s’appuient sur un patrimoine immobilier et des campagnes de collecte structurée et performante pour financer leurs associations et fondations. Encore avec un sac plastique a arpenté les marchés ou aller de mosquée en mosquée. Bien que ces méthodes ont fait leur preuve à une époque, leur efficacité sera insuffisante pour un projet tel que celui de Bordeaux. Sauf si l’équipe de Tareq Oubrou se donne une trentaine d’années pour emballer l’affaire.

Et encore même si le projet abouti, il faudra établir un budget de fonctionnement et l’assurer. Prenons le cas de la mosquée Assalam de Nantes, il aura fallu 5 millions d’euros pour la construire, l’accouchement a été difficile et doucereux pour les porteurs du projet et pour la communauté. Aujourd’hui, pour que la mosquée reste ouverte, il ne faut pas moins de 15 000 euros, entre les charges du bâtiment et le salaire de l’imam. Si la mosquée ne trouve pas de solution, elle sera toujours en train de quémander pour sa survie.

La problématique du salariat est importante dans ce genre de projet, une personne qui touche le smic coûterait à la mosquée pas moins de 25 000 euros par an. La dimension du projet de la mosquée de Bordeaux nécessiterait au moins 10 personnes (Secrétariat, imamat, entretien, enseignant, gardien, etc.)

Pour ce qui concerne le cas de Bordeaux, le schéma présenté ci-dessus risque bien de se reproduire sauf si les porteurs du projet se décident (si ce n’est pas déjà fait) de monter par la même occasion un waqf (projet immobilier qui apportera un revenu). Mais dans ce cas-là, ce n’est plus un projet de 24 millions d’euros. Ça sera bien plus.

Qui aura la plus grande mosquée ?

Certains diront qu’avec 24 millions d’euros, nous construirons une demi-douzaine de mosquées ou une dizaine d’école ou collège. La question n’est pas sur ce que nous aurions pu faire avec le même budget, mais plutôt qu’est ce dont a besoin notre communauté et avons-nous les moyens d’y répondre. Ce n’est pas qu’une question d’argent, mais de ressources humaines et compétence. Passer de la gestion d’une salle de prières à la construction d’un projet de 24 millions risque d’être difficile. D’autant plus que l’association traine depuis quelques années des querelles intestines.

Nous sommes clairement dans une course de qui aura la plus grande mosquée. Comme si la superficie du complexe justifiera une existence, ou une légitimité d’autorité. Une course au gigantisme qui balaye d’un revers l’éthique musulmane qui bannit la démesure et privilégie la sobriété et la réflexion dans nos projets. Surtout que l’urgence est aujourd’hui dans la formation des imams, dans l’éducation et l’organisation des associations. Mais il est vrai qu’il est plus facile d’investir dans la pierre que dans l’humain.

Impossible via Shutterstock

Vos réactions 1réaction(s)

  • 1
    Abou Souheyl 21 octobre 2014

    Assalâmou 3alaykoum,

    Bârakallâhou fîk pour cet article et cette réflexion objective qui nous fait souvent défaut face à des projets parfois enivrants…

    Peut-être que la course au m² s’explique…il fut un temps où la superficie de la mosquée déterminait le poids électoral de celle-ci aux élections du CFCM nan ? 🙂

    Wallâhoul mousta3ân

Réagir à cet article