La mosquée al-Aqsa, située dans la Vieille Ville de Jérusalem, est l’un des lieux les plus sacrés de l’islam, après la Kaaba à La Mecque et la Mosquée du Prophète à Médine. Cependant, ce site est également un lieu de grande importance pour le judaïsme et le christianisme, ce qui fait un point central de tensions politiques et religieuses. Au coeur de cette situation, la question de la protection et de l’avenir de la mosquée al-Aqsa a suscité de vives inquiétudes au fil des décennies, en particulier en ce qui concerne l’État d’Israël et ses politiques à Jérusalem.
Contexte historique et religieux
Le site d’al-Haram al-Sharif, également appelé le Mont du Temple par les juifs, abrite la mosquée al-Aqsa ainsi que le Dôme du Rocher, où se trouve le rocher sur lequel le prophète Muhammed (sws) aurait ascendu au ciel lors de son Isra et Miraj (voyage nocturne). Pour les juifs, ce site est celui du Premier et du Second temple, détruits successivement par les babyloniens et les romains. C’est pourquoi le lieu est chargé de significations historiques et théologiques pour plusieurs religions.
Les conflits autour de ce lieu ne sont pas nouveaux. Depuis la guerre des Six Jours en 1967, au cours de laquelle Israël a pris le contrôle de Jérusalem-Est, y compris de la Vielle Ville, le statut de la mosquée al-Aqsa est une source de litiges entre Israël et les palestiniens. Tandis qu’Israël a annexé Jérusalem-Est et affirme son autorité sur la ville entière, la communauté internationale ne reconnaît pas cette annexion et considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé.
Les allégations de projets de destruction
Au fil des ans, des rumeurs et accusations circulent fréquemment sur le projet présumé de l’État israélien de démolir la mosquée al-Alqsa, ou de la remplacer par un troisième Temple juif. Les responsables palestiniens, certains groupes islamiques, et plusieurs membres de la société civile internationale expriment régulièrement leurs craintes que les actions israéliennes à Jérusalem visent à saper le statut islamique du site.
Plusieurs incidents ont alimenté ces accusations. Notamment, les fouilles archéologiques autour et sous l’enceinte d’al-Aqsa ont soulevé des soupçons quant à une intention cachée de déstabiliser les fondations du sites. Ces fouilles, conduites par les autorités israéliennes, sont perçues par les palestiniens comme une tentative de modifier la structure historique du lieu pour réaffirmer la connexion juive avec le site au détriment des musulmans. En 1996, l’ouverture d’un tunnel archéologique près de la mosquée a provoqué des émeutes violentes, entraînant la mort de dizaines de personnes.
Les actions des groupes extrémistes
Une autre source d’inquiétude provient des actions de groupes extrémistes israéliens. Certains mouvements juifs fondamentalistes, tels que le Mouvement des Fidèles du Mont du Temple, militent activement pour la destruction de la mosquée al-Aqsa et la reconstruction du Temple. Bien que ces groupes soient marginaux et non représentatifs du reste de la population israélienne, leurs actions et déclarations récurrentes attisent les tensions.
En 1969, un incendie criminel perpétré par un extrémiste chrétien australien à l’intérieur de la mosquée a endommagé une partie de l’édifice, renforçant les soupçons du complot contre le lieu saint. Par ailleurs, les tentatives de juifs ultra-nationalistes d’accéder à l’enceinte de la mosquée al-Aqsa pour y prier ont souvent entraîné des confrontations violentes avec les fidèles musulmans et les forces de sécurité.
Le rôle du gouvernement israélien
Officiellement, le gouvernement israélien a toujours affirmé qu’il n’a pas l’intention de modifier le statu quo sur le Mont du Temple/al-Haram al-Sharif, c’est-à-dire de maintenir le contrôle islamique sur la mosquée al-Aqsa sous l’administration du Waqf islamique, tout en garantissant l’accès des juifs au Mur des Lamentations situé au pied du Mont du Temple.
Cependant, les actions des forces de sécurité israéliennes sur le site d’al-Aqsa, notamment les restrictions imposées à l’accès des fidèles musulmans lors des périodes de tensions politiques, sont souvent perçus comme une violation de ce statu quo. Les affrontements récurrents entre les forces de l’ordre israéliennes et les manifestants palestiniens sur l’esplanade de la mosquée alimentent les perceptions selon lesquelles israël chercherait à affirmer son contrôle sur le site, au détriment de sa signification islamique.
Enquête et diplomatie internationale
Les accusations concernant la destruction ou la modification du statut de la mosquée al-Aqsa ont attiré l’attention internationale. Des organismes comme l’UNESCO ont réaffirmé à plusieurs reprises le caractère sacré de la mosquée pour les musulmans et ont dénoncé les actions israéliennes jugées menaçantes pour l’intégrité du site.
En 2016, une résolution de l’UNESCO, adoptée à la suite de tensions à Jérusalem, a vivement critiqué les activités israéliennes sur l’enceinte d’alAqsa, tout en réaffirmant la responsabilité d’israël en tant que puissance occupante. Cette résolution a provoqué un tollé en Israël, car elle ne mentionnait pas le lien historique entre les juifs et le Mont du Temple, ce qui a exacerbé les accusations de la partialité de l’ONU.
Malgré les pressions internationales, les positions restent figées. Israël continue de défendre sa souveraineté sur l’ensemble de Jérusalem, tandis que les palestiniens et la majorité de la communauté internationale insistent sur le fait que Jérusalem-Est, y compris la Vielle Ville, doit devenir la capitale d’un futur État palestinien.
Le silence des nations arabes : entre intérêts stratégiques et calculs diplomatiques
La réaction des pays arabes et musulmans face à la situation de la mosquée al-Aqsa est souvent perçue comme étant en décalage par rapport à l’importance spirituelle de ce site pour l’ensemble de la communauté musulmane. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce silence apparent ou ces réactions mesurées.
Depuis la signature des Accords d’Abraham en 2020, un nombre croissant de pays arabes ont normalisé leurs relations avec Israël. Parmi eux les Émirats Arabes Unis, Bahrëin, et le Maroc ont choisi de prioriser les bénéfices économiques et sécuritaires liés à ces accords. cette normalisation a redéfini les priorités diplomatiques de ces nations, entraînant une modération de leurs critiques publiques à l’égard des actions israéliennes, notamment sur la question d’al-Aqsa. Ces accords ont renforcé la coopération militaire et commerciale avec Israël, au détriment d’une position active de défense des lieux saints à Jérusalem.
Par ailleurs, d’autre nations arabes, comme l’Arabie Saoudite, concentrent leurs efforts sur d’autres enjeux davantage diplomatiques. L’Arabie Saoudite, bien qu’elle n’ait pas encore normalisé officiellement ses relations avec Israël, poursuit une politique étrangère nuancée. Depuis quelques années, le Royaume cherche à diversifier ses partenariats économiques et géopolitiques. Une des preuves récentes en est sa demande d’intégration au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud), un groupe de pays émergents, marquant ainsi un virage stratégique vers l’Est et une volonté de se détacher de sa traditionnelle dépendance aux États-Unis et à l’Occident. Ces calculs géopolitiques contribuent au ton mesuré de Riyad sur le question d’al-Aqsa.
Ces choix ont des répercussions directes sur la perception de la cause palestinienne par les populations de ces pays. Alors que la défense de la mosquée al-Aqsa a historiquement mobilisé les foules, la fatigue politique et les priorités locales ont progressivement émoussé le soutien populaire. Les défis économiques, la modernisation interne, et les préoccupations de sécurité nationale détournent l’attention des dirigeant et de leurs citoyens des enjeux palestiniens.
L’avenir de la mosquée al-Aqsa reste une question sensible, au coeur des relations israélo-palestinien, l’État d’Israël continue d’affirmer qu’il n’a aucun projet visant à détruire la mosquée. Cependant, les suspicions persistent en raison des actions de colonisation qu’Israël mène sur les terres palestiniennes et des incursions violentes en cours dans la bande Gaza.
Toute action qui serait perçue comme une tentative de saper le statut islamique du site pourrait déclencher des violences à grande échelle, non seulement à Jérusalem, mais dans l’ensemble du monde musulman. Les appels à la retenue, au respect des lieux saints, et à une solution pacifique durable restent des impératifs pour éviter une escalade catastrophique dans cette région déjà marquée par des décennies de conflits.