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L’islam aux USA

À l’heure où le gouvernement français essaie de mettre en place un projet de loi dit « séparatisme », loi visant spécialement les musulmans. Nous avons essayé à travers notre ligne éditorial, de jeter un regard dans un pays que la France prend souvent comme modèle. Voir comment est vécu l’islam dans le pays de l’Oncle Sam, comment vivent les musulmans dans ce grand pays.

Les débuts de l’installation

L’Amérique-Étasunienne, multiculturelle, terre d’immigration, est restée principalement judéo-chrétienne jusqu’aux années 1960. Aujourd’hui, son paysage religieux est marqué par une diversité religieuse extraordinaire.

Après l’annulation des quotas à l’immigration dans le milieu des années 1960, une grande masse de musulmans arrive aux États-Unis. Principalement de l’Inde, du Pakistan ainsi que du Moyen-Orient, venus se former au métier d’intellectuel, chercheurs ou de médecin dans les grandes universités américaines.
À l’heure arrivée, ils décidèrent d’organiser sur les campus leur pratique religieux collectives, et la représentation de l’islam qu’ils peuvent donner à la société américaine.

« Il s’agit donc bien alors d’insister sur la pratique quotidienne de l’islam, qui définit un véritable way of life. »

C’est à partir de cette période, en 1963 que naisse l’association des étudiants musulmans (Muslim Student’s Association ou MSA) à Chicago. L’association grandit rapidement, organisant ainsi dans les campus les prières de vendredi, des eid et la publication de petits livres sur ce qu’est l’islam. En insistant bien que l’islam est une deen, c’est-à-dire une religion totalisante : religion universelle, fondement parfait d’un mode d’organisation sociale, économique et politique. Il s’agit donc bien alors d’insister sur la pratique quotidienne de l’islam, qui définit un véritable way of life.

En 1983, la MSA ayant constaté sa rapide évolution, au-delà de ses objectifs premiers, c’est-à-dire la pratique de l’islam de manière saine, crée la Société Islamique d’Amérique du Nord (Islamic Society of North America ou ISNA). La création de cette branche a pour objectif de répondre aux nouveaux besoins, celui de la représentation et d’organisation de la communauté musulmane, ce qu’on peut comparer à l’organisation de Musulman de France.

« L’islam est ainsi symboliquement installé à la table commune au même rang que les autres religions »

La place de l’islam et de la mosquée dans le sphère politique étasunien

Depuis les années 1990, les choses ont largement évolué, ces jeunes étudiants sont rentrés dans le marché du travail, et l’islam commençait à devenir une religion publique.
La mosquée fonctionne bien comme un espace d’intégration à la vie politique et religieuse américaine. C’est d’ailleurs dans les mosquées que les politiciens présentent leur programme aux électeurs potentiels. On peut prendre exemple en 2016 lors des élections présidentielles, le président sortant Barack Obama est parti à la rencontre de la communauté musulmane de Baltimore et y visite une mosquée. 

Elle est un espace de mobilisation et de reconnaissance mutuelle, la coalition interreligieuse, notamment avec les Églises, elle permet aussi de faire le lien avec la sphère publique américaine.  Les organisations politiques représentant les musulmans américains sont créées et établies en dehors des mosquées à partir des années 1990.

En 1992, un dîner de rupture du jeûne pendant le mois de ramadhan est organisé à la Maison-Blanche en présence de membres du Congrès. Durant cette même période, les fêtes de l’eid sont célébrées à la Maison-Blanche. En février 1999, le département d’État organise des « tables rondes musulmanes » (Muslim Roundtable) avec des représentants de la communauté musulmane. Autre signe de reconnaissance publique, qui concerne le culte plutôt qu’une reconnaissance politique : la prise en charge spirituelle des musulmans dans les prisons et dans l’armée. Le département de la Défense nomme en 1993 son premier aumônier musulman, un africain-américain, Abdul Rashid. Chaque branche de l’armée américaine a aujourd’hui son aumônier musulman, avec un insigne où le croissant de lune côtoie les symboles des autres religions. 

En novembre 2000, la poste américaine a produit pour les fêtes de fin d’année un timbre calligraphié en arabe « Joyeux Eid », qui vient compléter une série d’icônes multiculturelles : timbres célébrant Hanoukka, la vierge Marie et l’enfant Jésus, Kwanza (qui fête l’héritage africain-américain) ou le plus prosaïque bonhomme de neige. L’islam est ainsi symboliquement installé à la table commune au même rang que les autres religions.

Le 4 janvier 2007, Keith Ellison, premier ministre musulman et premier membre musulman élu au Congrès, a prêté serment sur le coran.
Le 3 janvier 2019, les 2 premières femmes musulmanes élues au Congrès au poste de député, Ilhan Omar entièrement voilée ainsi que Rashida Tlaib prêteront à leur tour serment sur le coran.
Ce geste sera repris par la suite, en 2015 par la nouvelle juge Carolyn Walker Diallo et en janvier 2021 par la démocrate Madinah Wilson-Anton vêtu d’une longue abaya et d’un hijab, prête serment sur le coran dans la maison d’État de Dover.

L’islam étasunien et la politique étrangère

En 2000, l’American Muslim Political Coordination Council, qui couvre plusieurs comités d’action, soutient la candidature de George W. Bush.
Le but n’est plus de survivre en tant que musulmans dans un environnement perçu comme a-religieux et en tout cas non musulman, comme ce fut le cas dans les années 1960 et 1970, il s’agit d’entrer de plain-pied dans la compétition politique pour faire pression localement et nationalement (aux niveaux des États et du gouvernement fédéral) sur les choix de politique intérieure ou extérieure. Un processus qui a sa réplique au niveau local. 

« L’Amérique ne sera jamais en guerre contre l’islam »

À Chicago en 2001, un monument représentant l’islam s’est ajouté au paysage urbain pour les fêtes de fin d’année : cinq panneaux représentant les piliers de l’islam, surmontés du croissant, intègrent symboliquement l’espace public dans une mise en scène multiculturelle à la fois annuelle et éphémère.
Après le 11 septembre 2001, G. W. Bush a maintes fois cité l’islam dans ses discours, insistant sur le fait que « la guerre contre le terrorisme n’était pas une guerre contre l’islam », et les cérémonies de deuil publiques qui ont fait suite aux attentats incluaient des représentants de l’islam.

En septembre 2009 ce sera au tour de Barack Obama dans un discours au Caire que l’ancien président américain s’adressa au monde musulman ainsi qu’aux musulmans américains en expliquant « l’Amérique ne sera jamais en guerre contre l’islam. Toutefois, nous ferons face sans cesse aux extrémistes violents qui mettent en danger notre sécurité. »
Car après le 11 septembre 2001, l’islam devient aux États-Unis un véritable objet de questionnement. Universitaires et spécialistes, mais aussi représentants de l’islam sont convoqués, mobilisés, questionnés sur cet islam. Ils se mobilisent aussi d’eux-mêmes pour mettre en avant leurs propres versions. L’islam est sollicité constamment pour parler de lui-même, en particulier dans les événements interreligieux. Les mosquées deviennent des vitrines : les portes s’ouvrent, les non musulmans sont invités et accueillis à bras ouverts.

Aujourd’hui, la question de savoir si l’islam est compatible avec le système étasunien ne se pose plus, tant il est considéré comme religion américaine au même titre que le christianisme et le judaïsme. Le sujet du voile islamique et de l’islam en France étonne les américains.
Si dans le pays de l’Oncle Sam, l’islam s’est parfaitement intégré dans le paysage, qu’en outre-manche le débat sur les signes religieux n’a jamais été posé. Qu’est-ce que la France a alors contre l’islam ?

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