Depuis 2023, la commune de Cugnaux, située près de Toulouse, est au cœur d’une polémique autour d’un projet de mosquée. Ce dossier, marqué par des tensions entre riverains, élus et la communauté musulmane, illustre les défis liés à l’implantation de lieux de culte en France. Retour sur un feuilleton aux rebondissements multiples, nourri de craintes, de médiations et de décisions administratives.
Une communauté musulmane en quête d’un lieu digne
La communauté musulmane de Cugnaux, estimée à plusieurs centaines de fidèles, ne disposait jusqu’ici que d’un modeste lieu de prière aménagé dans une maison particulière. Face à l’exiguïté des locaux et aux problèmes de stationnement, l’association cultuelle Al-Ihsane a envisagé dès 2023 un projet plus ambitieux : transformer une autre maison, située rue de l’Avenir, en mosquée. Ce projet initial, non déclaré, a rapidement suscité l’ire de certains riverains, dénonçant des travaux illégaux et des nuisances potentielles.
Les opposants au projet, regroupés au sein du collectif « Non à la mosquée de Cugnaux », ont multiplié les actions : pétitions, réunions houleuses et interpellations du maire. Leurs arguments ? Des craintes liées au trafic routier, au bruit, mais aussi des soupçons infondés de « radicalisation », relayés par des franges extrémistes. En parallèle, des incidents (comme des tags islamophobes) ont exacerbé les tensions, poussant la mairie à organiser des médiations.
« Ces tensions révèlent une méfiance accrue envers l’islam, alimentée par des discours politiques »
Après des mois de débats, la mairie a finalement validé le permis de construire en juillet 2024, autorisant non plus une simple réhabilitation, mais l’édification d’un nouveau bâtiment. Ce dernier, d’une capacité de 300 fidèles, inclura une salle de prière, des espaces éducatifs et un parking de 30 places. Le maire, Albert Sanchez (sans étiquette), a insisté sur le caractère « mesuré » du projet : « Ce ne sera pas une mosquée XXL comme au Mirail. Nous avons veillé à son intégration dans le quartier ».
Malgré l’obtention du permis, les travaux lancés en janvier 2025 ont ravivé les critiques. Les opposants, soutenus par le Rassemblement National, dénoncent une « opacité » et menacent de recours juridiques. Pourtant, l’association Al-Ihsane assure respecter toutes les normes : « Ce lieu répond à un besoin réel. Nous voulons dialoguer », explique son président, Mohamed Aït-Kaci. La préfecture, elle, rappelle que le projet est légal et encadré.
Hypocrisie ou malentendu ?
Ce dossier s’inscrit dans un contexte français où les projets de mosquées font souvent l’objet de vifs débats. À Cugnaux, comme ailleurs, les craintes sécuritaires et identitaires se mêlent à des enjeux urbanistiques. Pour Laurent de Boissieu, sociologue interrogé par France 3, « ces tensions révèlent une méfiance accrue envers l’islam, alimentée par des discours politiques ».
Si les opposants invoquent la laïcité, certains observateurs pointent une contradiction : les mêmes qui dénoncent les « prières de rue » refusent les solutions structurelles. « On ne peut reprocher aux musulmans de ne pas avoir de lieux dignes, puis s’opposer quand ils en construisent », souligne un éditorialiste du Journal Toulousain.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, les travaux avancent, mais le climat reste tendu. La mairie promet un suivi strict des nuisances, tandis que l’association Al-Ihsane prévoit des portes ouvertes pour apaiser les craintes. Reste à voir si le dialogue parviendra à surmonter les préjugés.
Sources citées : Actu.fr, Le Journal Toulousain, France Bleu, France 3 Occitanie, La Dépêche, Mizane Info.