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Mosquée selon Tariq Ramadan

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Dans l’espace européen, la mosquée est devenue, selon les circonstances, un symbole véhiculant parfois des interprétations diamétralement opposées quant à son sens et à sa valeur. 
Pour les uns, la mosquée est l’expression de la présence de l’autre, de l’exotisme, voire de la « nouvelle colonisation« ; pour les autres, elle représente la première étape de l’enracinement, du « mieux-être ici« , une promesse d’enrichissement. La mosquée est ainsi le foyer sur lequel se projettent toutes les représentation, les profondes craintes comme les souffles d’espoir. 

Lorsque le prophète (que la bénédiction et la paix de Dieu soient sur lui) quitte la Mecque pour la ville de Yathrib (Médine), il construisit une mosquée à chacune des trois premières étapes de son périple. Dans son exil, il manifestait ainsi une double exigence:

– spécifier l’espace qui, au cœur de la Terre où l’être humain se prosterne (la Terre-mosquée), ravive et édifie la foi en l’Unique.
– témoigner d’une spiritualité vivante qui rayonne au lieu où l’être et le cœur s’installent.

Telles sont, somme toute, l’essence et la condition de la mosquée: l’intime conscience du Très-Haut en est le fondement; l’expression de la spiritualité et de l’amour en est le sens (Coran IX, 108). 
En Europe, comme ailleurs, la mosquée doit d’abord jouer ce rôle : dire, exprimer et rappeler la présence du divin dans le cœur de chacun, au cœur de la cité. Elle est ce lieu du silence, de la méditation et de la prière qui permet le recul, l’édification, la quête du sens et de la paix. Le lieu « où l’on se prosterne » est l’espace où l’on s’élève, profondément, intimement, seul, en communauté… 
L’horizon de notre proximité. La mosquée est une source qui étanche la soif et donne la force de témoigner: ouverte à tous les cœurs, elle doit être également ouverte sur le monde et rayonner sur l’environnement. Lieu d’édification spirituelle, elle est également un espace d’étude, de dialogue, d’accueil qui doit témoigner de l’exigence de justice et de l’amour de la paix (as-salam).

Mosquée prison ou mosquée-lumière
Cet objectif ne peut être atteint si les mosquées sont pensées comme des lieux fermés, destinés uniquement à nos protéger du monde d’alentour, de ses blessures et/ou des ses errances. Les mosquées-lumières deviennent alors des mosquées-prison : elle devraient être les témoins, elles sont devenues les suspects; elles devraient dire la foi et l’amour, elles finissent par exprimer le rejet l’enfermement. Mal perçues, mal comprises… comme les musulmanes, comme les musulmans. Trop souvent.

Revenir à l’essentiel
Intensément, faire de nos mosquées des horizons d’être, de foi, de respect et d’amour. Des lieux propres… emplis de beauté, sans être luxueux; dignes, sans être nécessairement « cathédrales » : à la mesure de nos besoins de cœur et de nombre. Ni plus ni moins. 
Que nos mosquées deviennent témoins, comme nous devons l’être nous mêmes, d’une présence musulmane sereine, épanouie et désireuse de contribuer à accompagner les questionnements de tout un chacun sur le sens, les valeurs et l’humanité des hommes. Se prosterner pour dire  » Dieu », c’est se lever pour être avec les hommes de bonne volonté et relever tous défis de l’errance, de l’excès, de l’oubli et de la mort. 
Dans l’espace européen, comme au cœur des déserts, la mosquée nourrit le cœur et forge la conscience: pour aimer Dieu, les êtres humains et la création, pour résister à toutes les injustices, à toutes les dérives. Preuve de notre enracinement, elle doit être témoignage de notre engagement. Ici, au lieu où nous vivons, pour aimer Dieu et respecter les hommes.

Tariq Ramadan : prof. d’islamologie Extrait de la revue « La Medina »


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