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Chaleur humaine par temps de grand froid

Les faits qui sont rapportés dans ce texte ne relèvent nullement de la fiction mais relatent l’expérience vécue par des frères ces derniers jours lors du dernier épisode de froid que nous avons connu.

Dimanche soir

Deux jeunes quittent la Mosquée de Montreynaud à Saint-Étienne après avoir prier et décident d’aller manger un bout en ville. Au menu, sandwichs et bouteille d’Oasis. Repus, ils prennent le chemin du retour. Ils croisent un homme seul, déambulant dans un froid glacial. Ils s’arrêtent, s’enquièrent de sa situation et apprennent qu’il est sans-abri. Ils lui proposent leur aide, Il décline l’offre, on sait les sans-abris très prudents et peu enclins à accorder leur confiance dès le premier contact. Perplexes devant ce refus, ils ne s’en laissent pas compter et offrent la seule chose qu’ils avaient à leur disposition, cette bouteille d’Oasis qu’ils n’avaient pas consommée sur place. Les voila repartis, le cœur gros, avec ce sentiment de ne pas être aller jusqu’au bout de la démarche.

Plus loin, un deuxième piéton croise leur chemin. Faut-il s’arrêter ? A-t-il besoin d’aide ? Les premières hésitations passées, ils décident de lui proposer de le ramener à bon port.Il dit se rendre chez un ami dans le quartier de Montreynaud et ne pas avoir besoin d’aide. Malgré ce fort sentiment d’être en présence d’une personne en détresse, ils doivent se résoudre à la laisser partir seule.

Ces deux rencontres questionnent les deux jeunes gens et vont être le déclic qu’il leur manquait pour faire germer une idée jusque là enfouie : Pourquoi ne pas apporter leur contribution à l’aide aux plus démunis, dans une démarche désintéressée, humaniste et dans la seule intention de plaire à Allah ? Les idées, les propositions fusent et l’une d’elles semble s’imposer, pourquoi ne pas entreprendre des maraudes dans la ville, à l’instar de ce que peuvent faire le Secours Islamique ou le SAMU social et où il s’agit d’aller à la rencontre des personnes en situation de détresse physique ou sociale et par ce froid de leur proposer boissons chaudes, nourriture et de les réorienter vers des refuges pour passer la nuit au chaud ?

Le lendemain soir 

C’est accompagnés d’un troisième frère qu’ils arpentent la ville de Saint-Étienne, thermos de café et viennoiseries chargés dans la voiture, à la recherche de personnes à aider. Ils commencent par la gare Chateaucreux, pas âme qui vive. Le centre ville, ses arcades, ses places Carnot et Jean Jaurès et sa multitude de ruelles n’occasionnent aucune rencontre. Un appel adressé au 115, pour proposer leur service, leur permet d’apprendre que la soirée est calme puisque la plupart des sans-abris ont opté pour les solutions d’hébergement proposées par la Mairie grâce à la mise en place du plan grand-froid. C’est pour eux un sentiment mitigé, entre la déception de ne pas avoir pu venir en aide à une personne et cette sensation, qui finit par prendre le dessus, de soulagement de savoir toutes ces personnes au chaud.

Ils décident de continuer.

Les voila parcourant le parc de l’Europe, personne. Le centre commercial de la Métare, personne. La place Chavanelle, personne. Mais là, au détour d’une ruelle, cet homme, rencontré la veille, ce sans-abri qui se rappelle les deux jeunes gens en leur lançant, d’une voix emprunte de surprise, « Ah c’est vous, l’Oasis !? » Ils s’arrêtent, lui proposent café et viennoiseries mais il refuse d’être redirigé vers un centre d’hébergement. Il repart, accompagné de son petit chien, non sans adresser des prières à l’endroit des trois frères :

« Que Dieu vous protège, que Dieu vous bénisse ». Une rencontre qui finit d’affermir leur motivation.

Autre sans-abri, autre expérience. Il s’agit d’un jeune homme. Vitre baissée, de l’intérieur de la voiture, les frères l’abordent et lui proposent un café. Il décline respectueusement l’offre laissant transparaitre ce qui semble être de la méfiance pour ne pas dire de la peur. Le véhicule parcourt 200 mètres, un frère se charge de verser une tasse de café, un autre prépare les petits pains, ils vont alors à la rencontre du jeune démuni. Ce n’est qu’à la vue de ce qu’il lui est proposé qu’il esquisse un sourire et que la glace se brise. Il doit rejoindre un ami dans un squat qu’il dit bien équipé et ce, après avoir passer la soirée à faire la manche devant un bar de la ville. Il remercie les jeunes pour leur initiative et leurs chemins se séparent.

Dernière étape de la soirée, le gymnase de La Rivière mis à disposition par la ville de Saint-Étienne pour héberger les sans-abris. Arrivés tard, ils le trouveront fermé et décideront d’y revenir le lendemain.

maraudes montreynaud 2 Le cri de Montreynaud

maraudes montreynaud 8 Le cri de Montreynaud

Mardi soir 

Arrivés au gymnase, c’est avec quelque appréhension et enthousiasme que nos trois frères s’apprêtent à apporter chaleur et réconfort à ces réfugiés du froid. A peine ont-ils franchi la porte de l’enceinte qu’ils se rendent compte que les quatre thermos de café préparés pour leur maraude ne suffiront pas à satisfaire tout le monde. Ce sont près de 50 personnes, hommes, femmes, enfants et personnes âgées qui sont venus profiter de cette parenthèse dans leur lutte contre le froid et profiter des lits de camps alignés façon militaire. Il y a là des africains, mais pour la plupart ce sont des gens venant de pays de l’Est (tchétchènes, kosovars, géorgiens). Beaucoup d’entre eux sont musulmans.

Ils sont accueillis par des salariés de la Maison de Veille Sociale, une structure qui a la charge de coordonner l’ensemble de l’offre d’hébergement. Nos trois frères expliquent les raisons de leur présence et obtiennent la permission d’effectuer une distribution de café.

S’engagent alors, ici et là, des discussions avec les personnes hébergées. Une famille retient l’attention d’un des frères, c’est celle de ce jeune couple, parents d’une petite fille de 20 mois. La fillette aux yeux bleus éclatants et au sourire innocent, assise sur l’un de ces lits de camp, finit par engendrer chez ce frère une profonde émotion quand il apprend qu’elle se prénomme Ihdina. Ce mot qui signifie guide-nous en arabe et que l’on retrouve notamment dans la sourate Al Fatiha. Il y avait dans ce prénom tout l’espoir que des parents peuvent nourrir notamment pour leurs enfants, un espoir que même des conditions de détresse extrêmes ne peuvent entamer. Ils expliquent qu’en dehors de ce dispositif exceptionnel, l’offre d’hébergement étant plus réduite, ils se retrouvent à dormir parfois dans le hall de la gare, ou encore dans les couloirs de l’hôpital quand ils ne se retrouvent pas ,la majorité du temps, dehors avec Ihdina dans leurs bras. Imaginer cette innocente fillette dans cette situation finit d’émouvoir le frère et de le convaincre qu’il est de son devoir de leur venir en aide.

maraudes montreynaud 9 Le cri de Montreynaud

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Les soirs suivants  

Les frères enregistrent deux nouveaux renforts et décident d’apporter soupe, café, chocolat chaud, gâteaux, pains, fromage et fruits pour combler cette lacune dans l’accueil qui est proposé, puisque seul l’hébergement est offert, aucun repas n’étant distribué. Des plaids polaires offertes par une sœur sont aussi proposées.

Ce qui frappe les frères c’est cette dignité dans l’épreuve, cette volonté de mener, malgré tout, une vie « normale ». Il y a là des enfants qui jouent avec un « ballon » confectionné avec un pull, d’autres se courent après, on entend des rires. En un mot, l’innocence. Plus loin, quelques hommes font une partie d’échecs. Un dernier enfant enfin, assis sur son lit, tente de faire ses devoirs, ses parents l’ayant scolarisé dans une école voisine du gymnase.

Parce que l’hygiène est importante, même quand on est dans la rue, quelques personnes profitent des douches collectives du gymnase. Pudiques, elles y vont à tour de rôle. Un homme, le papa de Ihdina, se poste devant la porte des douches pour permettre à son épouse de faire sa toilette.

Attachés à leur religion, ils n’oublient pas leur Seigneur. Ils prient le matin dans le gymnase. Regroupent Dhor et Asr, Maghreb et Icha, les priant à la mosquée de Bellevue proche de leur lieu d’hébergement. Ils disent pouvoir compter dans cette mosquée, le vendredi après la prière hebdomadaire, sur un repas qui leur est offert. Mais c’est seulement le vendredi !!!

Samedi soir, la solidarité bat son plein. Les messages postés sur les réseaux sociaux et quelques SMS ont permis la mobilisation de nombreuses familles. Ici, une maman et quelques sœurs proposent de préparer une soupe pour les soirs suivants, là une sœur indique qu’elle fournira café, gâteaux et autres gourmandises pour les enfants le restant de l’opération, là encore des frères se disent disponibles pour un coup de main.

Des sœurs se joignent à l’équipe, pour monter dans un coin du gymnase un stand vêtements et produits d’hygiène collectés et achetés dans la journée :

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 Une partie d’échecs et verre de thé à la menthe à la main | Un enfant qui trouve une veste à sa taille

Quelques frères entament avec des adolescents une partie de basket. Deux sœurs prennent en charge des enfants et les divertissent. Des bénévoles du SAMU social salue cette initiative qui a le don, selon eux, au-delà de la distribution de repas, de permettre une parenthèse dans leur journée, une parenthèse joyeuse où l’espace de deux à trois heures ils oublient leur situation.

Enfin, comment ne pas laisser échapper quelques larmes quand, dans ce flots de remerciements, un frère voit s’approcher un jeune garçon l’attirant dans un coin du gymnase, en tête à tête, pour le remercier. Le frère citant les versets du Coran où Allah dit dans sourate 76 Al Insane :

  1. وَيُطْعِمُونَ الطَّعَامَ عَلَى حُبِّهِ مِسْكِينًا وَيَتِيمًا وَأَسِيرًا
  2. إِنَّمَا نُطْعِمُكُمْ لِوَجْهِ اللَّهِ لا نُرِيدُ مِنكُمْ جَزَاء وَلا شُكُورًا

Et offrent la nourriture, malgré son amour, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier, 

(disant) : « C’est pour le visage de Dieu que nous vous nourrissons : nous ne voulons de vous ni récompense ni gratitude.

Le frère terminant en demandant au jeune garçon d’invoquer Allah pour lui, ce à quoi il lui répond : « Je n’oublierai jamais ».

 

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Notre cri du cœur

Et là nous en arrivons à notre petit appel.

Un appel vers cette communauté qui aime faire le bien et qui ne manque pas une occasion d’exprimer sa solidarité.

Un appel surtout aux mosquées et associations musulmanes. Il est un terrain qu’elles ont jusqu’ici négligé, le social, l’aide aux plus démunis. En effet, être aux côtés des nécessiteux, leur apporter chaleur et réconfort devrait être l’une de leurs prérogatives principales. Et parce que la misère n’a pas de couleur ou de religion, cette solidarité doit s’exprimer envers toute personne dans le besoin. Et que dire quand ce sont là certains de nos coreligionnaires qui demandent de l’aide, qui dorment dehors avec femmes et enfants et qui restent parfois la journée sans trouver de quoi se nourrir. Les gens qui ont participé à la réalisation des repas ont tous affirmé qu’ils étaient prêts à fournir leur aide, ils ne demandent qu’une chose, qu’on leur ouvre les portes à l’image de la mosquée de Sainte Geneviève-des-bois

Alors, responsables de mosquées, d’associations OUVREZ vos locaux, SOLLICITEZ les personnes de votre entourage, PERMETTEZ à cette solidarité latente de s’exprimer.

Un récit de l’association « Jeunesse Solidaire » à Saint-Étienne. Retrouvez-les sur leur page Facebook 

Vos réactions 6réaction(s)

  • 1
    bechar 19 février 2012

    Ma chaa Allah pour cet émouvant récit..cela est un rappel pour chacun, quel que que soit nos biens, nous pouvons chaque jour venir en aide aux nécesssiteux.qu’Allah vous garde, vous protège et vous couvre de sa misécorde. In chaa Allah que chaque musulman fasse preuve que de ne serait-ce une seule aumône afin d’aider son prochain par et pour Allah Azza Wa Jall. amine.et merci encore pour vos transmissions

  • 2
    Umm Asmaa 25 février 2012

    Ma sha Allah !!!

    Qu’Allah les récompense et facilite a ces familles.

    C’est par ce genre d’ initiatives une par une que la ummah peut briser la mauvaise image qui nous colle a la peau.
    Pas besoin de vous dire que les larmes ont couler en lisant cette article !

  • 3
    Oum Lila 26 février 2012

    Salam 3aleykom ,

    Machaa Allah, partage plus qu’émouvant , franchement qu’Allah leur vienne en aide et à nous également
    BarakAllahofikom!

  • 4
    niass 26 janvier 2013

    Vraiment une très bonne initiative. Qu’Allah vous récompense !!!!

  • 5
    kamboua 5 février 2013

    celem alikoumn j’ai pas tout lu. Mais je suis fier d’être musulman. C’est dans ces moments là que je me reconnais et que je reconnais la puissance de dieux qui guide nos pensées, nos actes. Un simple geste, un simple bonjour suffit parfois.

  • 6
    Une soeur mauritanienne 6 février 2013

    Salam Aleykoom wa rahmattullah

    Récit émouvant .

    Je suis admirative de toutes ces personnes qui ont réussi à passer du constat à la réaction.
    Qu’ Allah rétribue toutes les personnes qui ont œuvré ainsi, celles qui souhaiteraient le faire et tous ceux qui donnent de leur temps, ou d’autres choses parmi les biens qu’Allah leur a attribué. Amin.

    QuAllah vous rétribue, vous éleve en grade et vous préserve des souffrances ici-bas et après. Amin.

    Wa Aleykoom salam.

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